Mũi Né, le cap authentique

06/04/2020 19:14

Port de Mui Né

Dès les premières lueurs du jour, les klaxons retentissent dans la rue principale. Les motos filent et arpentent les étroites ruelles du village de Mui Né. Elles convergent vers le port de pêche. Elles se frayent une place de stationnement et s'alignent soigneusement en surplomb de la baie. La scène est saisissante. Des centaines de bateaux colorés ont jeté l'ancre. L’œil de la baleine à la proue observe et protège. Quelques hommes se rejoignent le matin au port, s’assoient sur le muret et sirotent un café glacé, sans un mot. Le temps est à la contemplation, il s'arrête. Les regards se perdent au loin. Le spectacle commence.

Port de Mui Né - Bateaux traditionnels - œil de la baleine

Le bruit de centaines de paires de sandales retentit sur le ciment. Elles arrivent, coiffées d'un chapeau conique, vêtues d'un pyjama multicolore, dépareillé et orné de motifs. Malgré la chaleur, elles portent un masque, des gants et des chaussettes pour se protéger du soleil. Elles ne vous prêtent aucune attention. De toute évidence vous les gênez. Mieux vaut encore ne pas s'approcher de trop prêt au risque de se faire bousculer ou renverser par des livreurs. Les femmes de pêcheurs doivent rentabiliser leur journée en quelques heures seulement. Accroupies sur une bâche, elles trient et lavent le poisson et autre quantité de crustacés. Elles remplissent de multiples bassines en inox ou en plastique en fonction des moyens. Elles vont vite. Munies d'un calepin et d'une balance, elles commercent, négocient, et le ton monte lorsque les affaires ne vont pas bon train. Une simple poche en plastique renferme des centaines de milliers de Dongs. Il n'y a pas de place pour l’apparat, la simplicité est de rigueur. Ici, le travail prime.

Les hommes tout juste rentrés d'une nuit de pêche nettoient et rangent les filets. Ils assurent parfois une maintenance de fortune sur de petites embarcations rondes, typiques, qui permettent de naviguer sur les eaux tumultueuses de la région.

Activités de pêche à Mui Né

Quelques pas vers le centre ville et les rues s'animent au son de ballades vietnamiennes. Le karaoké est un loisir très prisé et le volume dépasse souvent l'entendement. Les volets en bois des maisons de style colonial s'ouvrent et laissent entrevoir un intérieur extrêmement sommaire. Un autel dédié au culte des ancêtres, une télévision et un hamac constituent l'ameublement principal. Les maisons sont étroites avec de larges ouvertures. Le pas de porte tourné vers la rue est dédié à l'activité commerciale familiale. Le regard plongé dans le vague, corps décharnés, quelques anciens assis là se sustentent d'une soupe de riz bouilli. Ecoliers en uniforme et lycéennes en ao dai blanc rejoignent leurs établissements à vélo ou à moto.

Village de Mui Né

Epiceries, salons de coiffure, quincailleries se succèdent par dizaine et s'alternent de restaurants ambulants. Une surélévation en bois ou une vitrine pliable et remorquable, suffit à l'installation. De petites chaises et tables en plastique sont disposées autour. Petit mobilier qui n'altère en rien la préparation de soupes, bánh mì, bánh xèo ou bánh căn. Les odeurs qui émanent et s'entremêlent de ces "cuisines ouvertes" sont alléchantes. Une fois encore, la forme n'est pas de rigueur, seul le goût importe. Les ingrédients sont toujours frais, craquants et après plusieurs heures de préparation, les bouillons dégagent un agréable parfum. La palais s'habitue à ces nouvelles saveurs matinales.

Bánh xèo et soupe de fruits de mer

Arrivée au marché. Il y règne un brouhaha indescriptible. En apparence, une organisation chaotique, mais seulement en apparence. Tout au Vietnam semble confus, bruyant, désorganisé - Un joyeux bazar à l'image des films de Cédric KLAPISCH - Cet esprit est finalement délectable. On ne peut s'empêcher d'avancer en arborant un large sourire aux lèvres. De toute évidence notre esprit novice à cette heure de la journée est embrumé. Il subit. Les motos circulent dans les allées étroites, les passants marchent à vive allure et semblent se disputer le passage avec les motos. Le marché n'est pas un lieu de flâneries mais de commerce. Calculette en poche, elles lancent les prix, vous invectivent dès lors que vous posez les yeux sur un stand. Gare à vous si vous n'avez pas choisi dans la seconde qui suit. Vous ne restez pas, vous devez circuler et faire vite. Pas de place pour un réveil en douceur. Cette grande bousculade vous laisse pantois. C'est une question de rythme. Vous poursuivez ou vous sortez.

Cuisine au marché

Attirée par les odeurs tièdes, sucrées et aigres douces, poursuivre s'impose. A partir de cet instant, accélérer le pas est de mise. Au bout des allées perpendiculaires surgit une multitude de stands. Les cuisines sont simples et identiques à celles que l'on trouve au village. Des petits barbecues aux formes concaves, noircis par la chaleur sont dédiés à la confection de bánh căn. Pléthore de mixeurs vrombissent en même temps pour la préparation de jus de fruits. De grandes marmites aux bouillons fumants chauffent. Des dizaines de coupelles sont remplies d'ingrédients que l'on ajoute au choix dans les mixtures. Dès lors que vous vous installez, n'imaginez même pas avoir un menu entre les mains. Vous devez savoir ce que vous voulez et comment. Vous prenez vite conscience qu'il faut d'abord observer la diversité des plats et la façon de les manger. L'observation est essentielle et lorsqu'elle est maîtrisée, vous vous laissez tenter par ces expériences gustatives. Un chiffre et un nom de plat en vietnamien et très vite vous avez l'impression d'être des leurs, de cette grande famille, de cette fourmilière ultra organisée. Vos gestes sont précis. Vous assaisonnez vos plats en choisissant les bonnes épices, vous arrivez même à les impressionner par votre dextérité à utiliser les baguettes. Et vous comprenez. Vous comprenez qu'au Vietnam, il n'est pas question de se pavaner ou d'afficher une quelconque supériorité occidentale inhérente. La gastronomie est à l'image de cette simplicité, de la rapidité et de la générosité des vietnamiens.

Bánh canh chả cá, Phở gà, Bún bò Huế,

Manger est l'acte principal, celui qui rythme la journée au Vietnam. Il ne se passe pas un instant sans qu'il ne soit pas question de nourriture. Les repas sont copieux. Les en cas entre les repas aussi. Les portions sont généreuses et toujours partagées. Peu importe d'où vous venez, vous êtes au cœur d'une immense auberge espagnole où tout le monde donne et s'entraide.

Cơm gà, poissons séchés, poisson frit, tofu frit

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